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Quatre prix littéraires pour Grasset

Catégorie

Lagardère Publishing

Paris, Novembre 2002

Prix Goncourt pour Les Ombres errantes de Pascal Quignard

« Les Ombres errantes » couronné par ce prestigieux prix littéraire est le premier volume d’une trilogie publiée chez Grasset et intitulée Dernier Royaume. classe dans la catégorie.


© Photo : F Doury

Dernier royaume appartient à la catégorie des livres inclassables : c’est en effet un ensemble de volumes étendu et étrange ; ni argumentation philosophique, ni petits essais érudits et épars, ni narration romanesque… Ce n’est pas un jugement sur le temps ou le monde ou la société ou l’évolution humaine : c’est le petit effort d’une pensée de tout. Une petite vision toute moderne du monde. Une vision toute laïque du monde. Une vision toute anormale du monde.

Ces trois premiers tomes de Dernier Royaume (Les Ombres errantes, Sur le jadis, Abîmes) inaugurent une nouvelle collection chez Grasset, dirigée par Martine Saada.
   
Pascal Quignard est né en 1948 à Verneuil-sur-Avre a écrit notamment Le Salon du Wurtemberg, Le Sexe et l’effroi, Rhétorique spéculative, La Haine de la musique, Vie secrète, Terrasse à Rome

Pour en savoir plus : http://www.edition-grasset.fr/auteurs/2002-quignard.htm

Prix Interallié pour Les Vieillards de Brighton de Gonzague Saint-Bris

Le 68ème prix Interallié, qui récompense plus particulièrement le livre d’un journaliste, a été décerné au roman de Gonzague Saint-Bris, Les Vieillards de Brighton, paru chez Grasset, a annoncé mardi le jury.

Né en Touraine, Gonzague Saint Bris est écrivain, journaliste et historien. Il est l’auteur d’une vingtaine de livres dont Le Romantisme absolu, Les Egéries russes et Je vous aime inconnue, d’ouvrages historiques comme Le Coup d’éclat du 2 décembre et de biographies de Lafayette, Vigny, Dumas, Balzac et Desaix. Il est aujourd’hui directeur de la rédaction du mensuel Le Spectacle du monde.


Extrait du chapitre 1

Enfant, j’habitais Londres où mon père était un jeune attaché d’ambassade. C’était la vie rêvée. Hyde Park et son allée de fleurs violettes, les musées gratuits où l’on pouvait jouer avec des trains électriques, les magasins de jouets extraordinaires, les cantiques dans la brume, les policemen polis qui ne regardaient pas ma nurse avec insistance. Elle était suisse et s’appelait Nana. Le prince Charles enfant nous faisait parfois des signes du balcon de Buckingham. Je lui répondais. Après tout, nous avions le même âge et on nous coiffait de la même manière : de l’eau sur la tête et la raie sur le côté.

Tout cela aurait pu être une charmante histoire, avec les casquettes bleu et jaune de notre école, la St Philip’s School, les « bats » de cricket, des rues de Londres où l’on jouait avec de petites voitures Dinky Toys contre les murs gris en se salissant les mains. Je croyais vivre un « Nursery Rimes », mais je ne savais pas encore que c’était celui de Humpty Dumpty, le petit homme fragile à l’énorme tête d’œuf qui, assis, en haut d’un mur, n’ose plus bouger de crainte de se fracasser le crâne. Pour moi, l’omelette était proche, la catastrophe imminente. J’avais cinq ans, l’âge de l’innocence, l’âge où pourtant j’ai dit adieu à l’innocence. Pardonnez-nous nos enfances !

Prix Médicis pour Pas un jour d’Anne F. Garréta

Anne F. Garréta, normalienne, membre de l’Oulipo, auteur chez Grasset de Sphinx (1986), en Livre de poche (1988), traduit en finnois, espagnol, catalan, japonais, Ciels liquides (1990), traduit en finnois, La Décomposition (1999), en Livre de poche (2002), traduit en italien, de quelques nouvelles (« Vol« , « Nuits » ) dans Le Serpent à plumes.

Au lecteur

Que faire de ses penchants ?
Tu as résolu de feindre d’emprunter la pente que l’on croit aujourd’hui naturelle, et te contraindre délibérément au genre de l’écriture anciennement dite intime.
T’assignant cinq heures par jour, un mois durant, à ton ordinateur, tu te donnes pour objet de raconter le souvenir que tu as d’une femme ou autre que tu as désirée ou qui t’a désirée.

Tu les prendras, jour après jour, dans l’ordre où elles te reviendront en mémoire. Tu les coucheras ensuite dans l’ordre impersonnel de l’alphabet. Au fil du clavier, tu décimeras purement tes souvenirs.
Mais pourquoi cet exercice, mélancolique et d’une ironie peut-être cruelle ? Disons que c’est un bien beau soir d’été, un soir où ton corps, enfin libre de trop de douleur, retrouve dans le désordre tous ses appétits, celui de la danse, celui des autres corps, celui des femmes.
Il suffirait d’aller s’asseoir à la terrasse d’un café regarder les passantes et, avant même de le savoir, sans doute te serais-tu créé des souvenirs de plus.
La vie est trop courte pour se résigner à lire des livres mal écrits et coucher avec des femmes qu’on n’aime pas.
Affaire de style.


© Photo :Irrmeli Jung

Prix France télévisions pour La Mélancolie des innocents de Jean-Pierre Milovanoff

Jean-Pierre Milovanoff est né à Nîmes. Homme de théâtre, poète, romancier, il a publié entre autres : La Splendeur d’Antonia (Julliard, 1996, Prix Delteil et Prix France Culture), Le Maître des paons (Julliard, 1997, Prix Goncourt des Lycéens), L’Offrande sauvage (Grasset, 1999, Prix des Libraires) et Auréline (Grasset, 2000).

Histoire d’une fausse chronique familiale, mais une chronique chuchotée, tour à tour frivole, tendre ou poignante, que Victorin, cloué à son fauteuil roulant, compose devant un jeune journaliste, pour sauver quelque chose d’une vie où l’action n’a pas été au rendez-vous. Entraîné par ses propres obsessions, il se lance dans un long travelling arrière qui commence dans le dernier quart du XIXe siècle et s’achève en 2000. On assiste à une succession de coups de foudre, de rencontres inespérées, de nuits d’amour et d’épreuves tombées dans l’oubli. Plus l’époque est éloignée, plus les épisodes semblent légers, dansants, vaporeux, à l’image de l’apparition en funambule de l’ancêtre narrateur. Par la suite, quand Victorin parlera de ce qu’il a vécu personnellement, la vision se fera plus âpre, l’humour plus noir.

Extrait

Au printemps de l’année 43, plusieurs actes de sabotage eurent lieu dans la région. Élysée, de son nom de guerre Catulle, avait pour mission de renforcer un groupe de partisans qui préparaient une opération d’envergure autour de Sommières. Il figurait dans une liste de « terroristes » recherchés par les Allemands. Il ne se montrait plus à Solignargues. Une nuit, il décida de passer quelques heures chez lui et de repartir à l’aube avec ses hommes. Quand Léonce arriva dans la matinée, il remarqua la chaîne du puits déplacée et une autre disposition des chaises dans la cuisine. Sur la toile cirée fendillée, se confondant avec les tomates du motif, il découvrit une des pilules rouges qu’Élysée prenait tous les jours depuis sa jaunisse. Il éclata de rire à la pensée que son ami était venu et il glissa le médicament dans la poche, sait-on jamais ?

© Photo : Ludovic Carême

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